Pré-oxygénation par oxygénation nasale haut débit (OHD) en anesthésie
ACTUALITÉ DU JEUDI DES ANESTHÉSISTES RÉANIMATEURS :
Pré-oxygénation pour une Anesthésie générale : masque facial ou optiflow ?
Petite mise en bouche avec le résumé du protocole d’une toute nouvelle étude en cours !
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32195955/
Comparison of preoxygenation with a high-flow nasal cannula and a simple mask before intubation during induction of general anesthesia in patients undergoing head and neck surgery: Study protocol clinical trial (SPIRIT Compliant)
- PMID: 32195955
- PMCID: PMC7220443
- DOI: 10.1097/MD.0000000000019525
Free PMC article
Abstract
Background: To assess the arterial oxygen partial pressure (PaO2) at defined time points during preoxygenation and to compare high-flow heated humidified nasal oxygenation with standard preoxygenation using oxygen insufflation via a facemask for at least 5 minutes, before intubation during induction of general anesthesia.
Methods: This randomized, single-blinded, prospective study will be conducted in patients undergoing head and neck surgery. After standard monitoring, the artery catheter at the radial artery or dorsalis pedis artery will be placed and arterial blood gas analysis (ABGA) for baseline values will be performed simultaneously. Each group will be subjected to 1 of 2 preoxygenation methods (high-flow nasal cannula or simple facemask) for 5 minutes, and ABGA will be performed twice. After confirming intubation, we will start mechanical ventilation and check the vital signs and perform the final ABGA.
Discussion: This trial aims to examine the trajectory of PaO2 levels during the whole preoxygenation procedure and after intubation. We hypothesize that preoxygenation with the high-flow nasal cannula will be superior to that with the face mask.
Study registration: This trial was registered with the Clinical Trial Registry (NCT03896906; ClinicalTrials.gov).
Conflict of interest statement
The authors have no conflicts of interest to disclose.
Figures
⚡️En attendant le résultat, est-ce qu’on ne se referait pas un petit point biblio sur l’optiflow en anesthésie ?
Pré-oxygénation par oxygénation nasale haut débit (OHD) en anesthésie |
Qu’est-ce-que c’est ?
C’est un système permettant d’administrer un gaz humidifié et réchauffé, à travers des canules nasales, à un débit maximal de 60 L/min.
Son intérêt repose sur sa modification de la physiologie respiratoire :
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Le haut débit de gaz provoque un wash out de l’espace mort anatomique, induit une PEEP externe permettant d’allonger le temps expiratoire, de favoriser les échanges au niveau de la membrane alvéolo-capillaire et de réduire le travail inspiratoire du patient
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Permet de délivrer une FiO2 à 100% à un patient en ventilation spontanée
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L’humidification et le réchauffement de l’air préservent la fonction mucociliaire
A quoi ça sert ?
Les premières indications de ce dispositif sont apparues dans les années 2000 dans la prise en charge de l’insuffisance respiratoire aiguë avec hypoxémie pour éviter l’intubation ou pour aider après l’extubation, ainsi qu’en prévention des épisodes de désaturation lors de procédures invasives sous sédation. Il est donc principalement utilisé aux soins intensifs et en réanimation, aux urgences, et en néonatalogie.
Et en anesthésie ?
Plusieurs indications potentielles de l’optiflow sont en cours d’étude dans le domaine de l’anesthésie, notamment :
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Préoxygénation avant l’induction de l’AG
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Oxygénation pendant l’intubation endotrachéale
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Oxygénation pendant la chirurgie chez les patients non intubés
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Assistance respiratoire après l’extubation en salle de réveil
Les recos de la SFAR :
La SFAR recommande de réaliser une pré-oxygénation systématique avant l’intubation trachéale afin de prévenir des désaturations artérielles. Toutefois, elle souligne que les résultats des études portant sur l’oxygénation nasale à haut débit sont partagés et n’émet par conséquent aucune recommandation quant à son utilisation en préoxygénation.
Elle ajoute cependant que des techniques d’oxygénation apnéique, telles que l’oxygénation nasale haut débit (OHD) sont probablement à considérer dans certains cas en complément à la préoxygénation pour prévenir les désaturations artérielles en oxygène, notamment chez les sujets à risques (obèses, détresse respiratoire, IOT difficile imprévue).
⇒ En résumé, est-ce-que je peux pré-oxygéner mon patient au bloc avec l’oxygénation nasale haut débit (OHD) ?
→ Chez les adultes “sains” (2, 3) :
Dans une étude princeps réalisée sur 10 volontaires sains (2), l’EtO2 moyen après une pré-oxygénation semble similaire entre OHD bouche fermée et masque facial. En revanche bouche ouverte, l’OHD perd la majeure partie de son efficacité ce qui implique qu’il serait difficile d’utiliser cette technique pour des patients ne pouvant maintenir la bouche fermée, notamment en insuffisance respiratoire aiguë.
Donc l’OHD bouche fermée semble aussi efficace et bien toléré que le masque facial lors de la pré-oxygénation chez des sujets sains, à la condition qu’elle soit réalisée bouche fermée.
Dans une étude réalisée sur 48 patients en neurochirurgie (3), il a été comparé la PaO2 obtenue d’une part après la préoxygénation et d’autre part après l’induction, entre OHD 50 mL/min et masque facial 10 L/min. Il en est ressorti qu’après 5 min de pré-oxygénation, la PaO2 médiane était significativement plus élevée dans le groupe OHD, mais après l’induction en revanche la PaO2 avait significativement diminué dans le groupe OHD par rapport au groupe ventilé par BAVU. Ceci suggère que l’OHD permettrait une meilleure PaO2 avant l’induction de l’anesthésie, mais est moins efficace que la ventilation au BAVU pour maintenir une PaO2 élevée durant l’induction.
→ Chez l’insuffisant respiratoire (1) :
Une étude princeps réalisée en 2015 (1) s’était intéressée à déterminer le temps d’apnée non hypoxémique chez des patients avec voies respiratoires difficiles subissant une AG pour une chirurgie ORL. Il avait été retrouvé un temps médian d’apnée sans désaturation de 14 min (de 5 à 65 min), sans désaturation inférieure à 90%. Cette étude était une des premières à appuyer l’idée que chez des patients avec voies respiratoires difficiles connues ou anticipée, l’OHD est associée à un temps d’apnée prolongée avant désaturation artérielle en oxygène, et donc que l’OHD pouvait être une technique prometteuse pour la gestion des intubations difficiles au bloc.
→ Chez l’adulte obèse (4, 5) :
Chez l’obèse, chez qui la réduction de la capacité résiduelle fonctionnelle limite la réserve en oxygène de l’organisme et diminue la durée de tolérance à l’apnée, l’application d’une pression positive pourrait améliorer l’oxygénation artérielle et augmenter la durée de tolérance à l’apnée. En effet, la période d’apnée sure est très diminuée (1-3 min VS 7-10 min) malgré une bonne pré-oxygénation au masque facial. Dans cette population spécifique, la pré-oxygénation par OHD bouche fermée et avec la tête relevée à 30° (4) semble supérieure à celle par masque facial pour atteindre une bonne PaO2.
De plus, il a été montré dans une étude (5) s’intéressant à la durée d’apnée avant désaturation chez des patients obèses que la combinaison pré-oxygénation par OHD + oxygénation apnéique par OHD prévenait mieux la désaturation qu’une simple pré-oxygénation par masque faciale avec poursuite d’une oxygénation passive au masque facial derrière.
→ Chez la femme enceinte (6, 7) :
Il est très important d’obtenir une bonne pré-oxygénation (EtO2 > 90%) car l’intubation peut être bien plus longue que pour la population générale et la période d’apnée non hypoxémique plus courte.
Difficile de conclure à une supériorité de l’OHD chez ce sous-type de population.
Une première étude (6) comparant l’EtO2 en fin de pré-oxygénation après OHD VS masque facial retrouve des résultats moindres pour le groupe OHD, et notamment la non obtention d’une EtO2 ≥ 90% comme il est recommandé dans les bonnes pratiques.
Une autre étude (7), dont l’objectif principal est le pourcentage de femme obtenant une EtO2 > 90% montrait qu’uniquement 60% des femmes l’avaient atteint après 3 min de pré-O2 par OHD.
→ Lors d’une induction en séquence rapide (8, 9):
L’oxygénation par OHD pourrait avoir un intérêt majeur en cas d’induction en séquence rapide, car une oxygénation au masque sur estomac plein présente un risque d’insufflation gastrique majeur.
Dans un premier essai contrôlé randomisé (9) portant sur 80 adultes recevant une induction d’anesthésie en séquence rapide, il a été comparé la SpO2 la plus basse jusqu’à 1 min après intubation entre OHD 70 L/min et masque facial 10L/min. Il n’en ressort pas de différence significative entre les deux techniques, mais 5 patients du groupe masque facial ont désaturé en-dessous de 93% contre 0 pour l’OHD. Ainsi, l’OHD pourrait prévenir l’hypoxie lorsque l’apnée est prolongée en raison de difficulté d’intubation.
Dans un autre essai contrôlé randomisé (8) comparant chez 40 patients subissant une chirurgie en urgence, une préoxygénation par OHD 70 L/min puis persistance jusqu’à la fin de l’intubation, ou masque facial 12 L/min sans ventilation apnéique derrière, il a été étudié la PaO2 après intubation. Il n’en est pas ressorti de différence significative dans la PaO2 entre les groupes.
Il semble donc possible de dire que l’OHD est une méthode efficace de préoxygénation lors d’une induction en séquence rapide au bloc opératoire.
Conclusion :
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L’OHD semble être une technique alternative intéressante à la préoxygénation par masque facial au bloc opératoire, notamment chez certains sujets à risque tels que l’insuffisant respiratoire, l’obèse, et les patients avec faibles réserves cardio-pulmonaires.
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L’utilisation de l’OHD semble pertinent lors des inductions en séquence rapide où la durée d’apnée est courte et où la ventilation apnéique est à éviter.
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L’OHD est une technique d’oxygénation intéressante durant les chirurgies sans ventilation mécanique.
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